Stéphanie, des sciences aux vins

Nouveau portrait .

Merci beaucoup à Stéphanie d’avoir accepté mon invitation à témoigner.

Un témoignage très enrichissant.

Belle découverte!


stephanie-hennion

Parle-nous de toi, qui es-tu ?

Je m’appelle Stéphanie j’ai 42 ans 2 enfants, célibataire, je vis seule. Je dirige une entreprise sur Londres et une sur Lille seule mais avec des partenariats. Je propose des animations et des formations autour du vin depuis 2011.

Quel(s) diplôme(s) possèdes-tu aujourd’hui? Comment s’est déroulé ton parcours scolaire ?

Après une année psychologiquement difficile en terminale j’ai eu mon Bac C avec mention AB, puis j’ai passé un DEUG et une licence en microbiologie.

Je suis allée jusqu’en fin de Maîtrise, j’ai validé la partie pratique mais pas toute la partie théorique. J’ai décidé de ne pas me présenter aux examens par dégout du monde universitaire et par envie d’être sur le terrain dans la vraie vie.

L’année de ma licence, mon ami d’enfance a lui échoué pour la deuxième fois. Le lendemain il mettait fin à ses jours. Il a dû croire que ses rêves d’enseigner étaient à jamais perdu. Cet ami, c’était mon frère, mon amarre, il était d’une gentillesse, d’une intelligence, d’une sensibilité trop rare malheureusement. L’année qui a suivie, j’ai déclenché un début de cancer de la thyroïde. Cette année me fut donc comptée blanche mais j’ai passé avec succès mon examen pratique, j’avais la chance de faire partie de 12 sélectionnés pour travailler avec un chercheur prestigieux. Je me suis fait opérer le Dimanche et j’ai passé l’examen le Mardi.

A l’époque j’étais très investie dans la vie universitaire, j’étais porte-parole pour les étudiants, on s’est battu pour que les examens deviennent anonymes, ce n’était toujours pas le cas. J’ai rencontré le doyen pour discuter du grand nombre de suicides auprès des étudiants et du manque d’informations concernant l’aide médicale disponible et gratuite sur le Campus. Je me souviens d’avoir pris le modèle canadien en exemple, il était insensible. Je crois que c’est là que j’ai lâché. Son inhumanité m’a désespérée. Tous les ans on entendait parler de cas de suicides, peut-être 5 cas arrivaient à mes oreilles, c’était dire l’ampleur du désastre au niveau de l’université entière. Les résultats étaient affichés à l’extérieur des bâtiments fermés, sans personne, tu voyais juste ton nom suivi d’une lettre qui signifiait recalé ou passe. Inhumain.  Quand on cherchait un peu on pouvait comprendre les magouilles derrière pour garder les effectifs, rentrer les stats dans les cases, c’était obscène. Un monde de fonctionnaires à l’affut des aides de l’état, rien à voir avec la transmission d’un savoir universitaire.

L’université m’a fait faire de belles rencontres, j’ai côtoyé des chercheurs et des enseignants très investis, sensibles mais j’y ai aussi vu la jungle que c’était. C’est marche ou crève. Et plus on avance, plus on est mis en compétition avec ceux qui sortent des écoles pour qui la vie semble avoir été plus facile parce que plus encadrée, mais je me trompe peut-être. J’étais vraiment révoltée à ce moment là.

  A l’époque je travaillais à Pizza-Hut pour payer mes études. Pendant 5 ans, je faisais des stages en laboratoire de psycho physio et en centre pour enfants autistes et psychotiques auprès de la psychologue.  Cette année-là j’ai pris un congé sans solde à Pizza Hut et j’ai travaillé à Herlies au centre oméga pour adolescents et adultes psychotiques et autistes. Une très belle expérience.

Maintenant j’ai aussi acquis entre autres diplômes le WSET Level 2 avec distinctions, WSET Level 3 avec distinctions over all et le diplôme de Nominated educator pour le WSET Level 1 et Level 2.

WSET : Wine & Spirits Education Trust

L’emploi pour toi, ça se passe comment aujourd’hui?

L’emploi se passe dans l’indépendance avec la conviction que ma vie c’est moi qui l’ai dans ma main. Evidemment j’apprécie les facilités offertes par notre pays, être maman à son compte ce n’est pas toujours facile et on a la chance d’avoir une bonne couverture sociale et médicale en France. Je ne compte pas avoir un jour une retraite donc je prépare déjà ma reconversion pour dans 10 ans. Je ne me vois pas retourner dans le salariat ou peut être dans une jeune entreprise, ce qui m’intéresse c’est le challenge, la créativité donc les boulots pépères et routinier très peu pour moi. J’ai besoin de rencontrer des gens, de partager, d’échanger, d’apprendre.

En 2010 quand j’ai quitté mon poste dans l’industrie pharmaceutique j’étais très fatiguée de la réception de mon profil auprès des boîtes de recrutement. Les diplômes universitaires n’avaient que peu de valeur pour eux et le fait d’être une femme, séparée, et avec 2 enfants vu comme un lourd handicap. Les questions que j’ai reçues de la part de RH femmes étaient choquantes. Je crois qu’il est grand temps d’intégrer la vie familiale dans le monde professionnel pour le bien de tous. L’école est bien souvent ignorante quant au monde de l’entreprise et l’entreprise se met des œillets pour ne pas voir la réalité de ses salariés. On vit en pleine schizophrénie.  Tout le monde n’est pas fait pour être entrepreneurs, il faut avoir les pieds sur terre, et être réaliste face à ses compétences sinon c’est le mur. Aujourd’hui on idéalise un peu trop la soit disant indépendance. On n’est jamais indépendant. Soit on rend des comptes à un patron et à son entreprise, soit on rend des comptes à ses clients. Parfois les compromis les plus durs ne sont pas là où l’on croit. J’ai dû accepter des contrats parfois qui soit ne me plaisaient pas, ne correspondaient pas à mon éthique, mais dont j’avais besoin pour survivre. J’oscille entre des grands moments de satisfaction, des moments de doutes, des moments de désespoir, des moments de fatigue intense ou je dois encore aller jusqu’au bout (dans mon métier je porte beaucoup de choses lourdes) mais le bilan est toujours positif. Pour être à son compte il faut avoir une grosse capacité de résilience et de culot. Le plus important c’est savoir apprendre de ses erreurs et se relever, et ça on ne nous l’apprend pas à l’école.

Organisation, discipline, remise en question et créativité sont les maîtres mots.

3 mois après ma décision j’arrivais à Londres, le 15 Décembre 2010, sous la neige, avec une seule valise. J’avais tout vendu enfin presque, j’avais laissé mes livres et 2 meubles chez des amis. J’avais besoin de la barrière de la langue, je voulais rendre les choses plus difficiles. Je suis partie de rien et j’ai recommencé…En Juin 2011 je commençais ma nouvelle activité avec un plein temps en magasin de vin. J’ai découvert un nouveau monde, celui du vin. Je me suis entourée de nouvelles personnes. Ce qui fut facile c’est la rencontre avec les anglo-saxons. Là-bas on célèbre la réussite, on vous laisse votre chance avec le sourire. J’ai rencontré plus que des amis, j’y ai trouvé ma tribu.

En revenant en 2013 suite à des soucis personnels ce fût très très dur. Mais en Décembre 2015 j’ai rencontré une personne formidable à la BGE, puis ensuite le réseau Networking Women in Lille. Je quitte la couveuse en fin d’année pour créer en Janvier. Cette création va être bien plus grande que moi, je vais enfin m’alléger les épaules parce que 1+1 ça ne fait pas 2, ça fait l’infini. Je ne vous en dis pas plus.

Et avant, tu faisais quoi ?

10 ans à travailler pour un laboratoire, en visite médicale, en pharmacie aussi. La chance d’avoir été débauchée par un laboratoire à taille humaine. On me faisait confiance, j’étais très indépendante et j’ai appris énormément autant pour la partie commerciale que la partie communication. Expérience essentielle pour mon métier d’aujourd’hui.

J’ai aussi eu la chance d’avoir un directeur général très intelligent, qui m’a beaucoup appris. J’étais aussi déléguée du personnel j’ai dû gérer le passage aux 35 heures, les conflits internes ce qui en fait revient à être résolveur de problèmes et là encore c’est mon quotidien. J’ai aussi eu la grande chance d’avoir un directeur régional fabuleux en communication, un trésor inespéré. L’observation de ses 2 individus m’a énormément apporté.

Pourquoi ce(s) changements(s) ? Quel a été le « déclic » ?

Ennui, sentiment de ne plus être à ma place. C’était devenu la routine, l’argent tombait tout seul, j’avais la maison, le compagnon, les enfants, manquait le chien et c’était la vie bourgeoise parfaite. Je me sentais plus du côté des sans culottes J Ras le bol aussi d’entendre qu’il fallait que j’aille moins vite, de voir que les gens ne comprenaient pas, je n’avais plus de patience. La vie politique française aussi a beaucoup compté. 2007 avait été un choc, je ne me sentais plus en phase ni avec mon pays, ni avec le monde de l’entreprise et ses RH.

L’orientation scolaire, ça s’est passé comment pour toi ?

Pas vraiment d’orientation, je suis une fille. J’étais très bonne élève. Je me suis très vite ennuyée mais j’ai eu de bons profs qui l’ont compris et m’ont donné de la nourriture intellectuelle. Beaucoup de livres.

Je voulais être Voltaire. J’adorais le siècle des lumières parce qu’à cette époque tu pouvais apprendre sur tout, tu n’étais pas obligé de te spécialiser, tu pouvais être scientifique et littéraire, et je me reconnaissais là-dedans.

Je me souviens je voulais être « coach » mais ce métier n’existait pas. Mon conseiller d’orientation m’a parlé de kiné, psychologue. Mais tous ces métiers étaient trop réducteurs. Alors j’ai pris les voies qui m’offraient le plus de choix, Bac C et l’université. Le choix de l’université fut une erreur, je croyais que c’était la voie royale pour être chercheur et sans conseil je me suis fourvoyée. J’ai failli m’inscrire à l’ISEN mais par manque de confiance en moi je ne l’ai pas fait. L’année de terminale avait été horrible avec une prof de sciences physiques qui me maltraitait psychologiquement et je me croyais vraiment nulle, j’aurais 15 au bac, mais de toute façon mon dossier était plombé.

Il n’y a rien de plus dangereux que des profs frustrés. Je venais d’un enseignement très ouvert, mes compétences étaient au-dessus du niveau scolaire et elle ne l’a pas accepté, j’ai été le bouc émissaire toute l’année. J’étais en plein trouble « narcissique » à cette époque, en pleine anorexie, j’avais fugué en début d’année. La seule raison qui faisait que je restais c’était cette phrase dans ma tête « Si tu veux enculer (désolée pour la grossièreté) le système, rentre dans le système »

NB : J’ai été détectée HP en 2015 et beaucoup de mes problème sont certainement liés à cette anomalie.

Et tes parents alors, ils sont en accord avec tes choix/envies ?

Mes parents s’occupaient plus de leur parcours, ils avaient repris leurs études et étaient plus ou moins en comparaison avec moi. Il leur importait plus que mes frères réussissent. Mon rôle c’est de me trouver un mari. Mon père m’a souvent dit face à ma situation personnelle qu’il était désolé que je sois si intelligente et si cultivée, comme si c’était un malheur !

C’est une des raisons pour laquelle j’ai très vite trouvé un emploi pour payer mes études et les voir le moins souvent possible.

Aujourd’hui mes choix leur font peur, ils ne comprennent pas tout mais ils me soutiennent comme ils peuvent.

Un mot à ajouter pour les jeunes d’aujourd’hui et leurs parents ?

Parents faites confiance à vos enfants et lâchez leur la grappe. Ainsi vous les rendrez responsables, éviterez des conflits inutiles. Le plus grand danger quand on est parent c’est de penser ses enfants comme un prolongement de soi et non comme des êtres à part entière. On a plus à gagner à rester chacun à sa place.

A nous de montrer l’exemple et d’observer nos enfants pour apprendre et comprendre. Evidemment il faut aussi transmettre son savoir, partager des moments simples en tête à tête. Mais si on se met en borne de dessiner l’avenir pour eux on rentre inévitablement dans la folie. Qui suis-je pour connaître l’avenir de mes enfants ?


Merci Stéphanie pour ce témoignage et le partage de ta vision.

Vous aussi vous souhaitez témoigner?

Envoyez-moi un petit mot à contact@adequatmot.com!


Pour retrouver Stéphanie :

www.dejeunonssurlherbe.com

http://www.foodandwinetasting.co.uk

 


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